jeudi 13 janvier 2011

Croisière au raz de l'eau

"Manip'"… "Etre de manip'"… ça veut dire en gros avoir quelque chose à faire pour la communauté… à ne pas confondre avec "être sur le terrain"… ou "être de relevé"… qui veut dire faire son job à soi. Exemple : "je suis de manip' vivres" et "demain je fais des relevés"…

Ceci étant posé, aujourd'hui, j'étais de manip. Vous prenez un designer industriel en devenir qui se trouve officier de la Marine nationale… et elle termine dans un port au milieu des containers.

Petite carte postale d'une après midi de docker…

D'un côté - sur la piste aux Lions, vous avez une barge à fond plat, un sea truck (sorte de chaland à fond tout aussi plat, genre 50 cm de tirant d'eau), et des containers (vides, à moitié remplis, pleins) voire un tracteur Cat flambant neuf de 200 tonnes (et je vous passe son prix).

De l'autre côté, vous avez Cap Prud'homme, à 5-7 km sur le continent, point de départ du raid… Entre les deux, l'Océan glacial Antarctique, pas mal de cailloux plus ou moins gros (l'île du Gouverneur, les îlots Roméo et Juliette et tant d'autres), et des "glaçons" (parce qu'après 10 jours ici un "manchots" est devenu un "canard" et un iceberg est "berg", puis un simple "glaçon"… on se comprend).

Le but de la manip' est donc de charger la barge (poussée par le sea truck, avec les containers depuis ce qu'on appellera un quai qui est en réalité une piste d'atterrissage pour petits avions jamais inaugurée…) Du coup, on tire, on pousse, on élingue, on soulève sur les consignes de Patrice. "Ici c'est le pays des bourins"… on serre les fesses aussi quand les 200 tonnes du Challenger s'avancent sur la barge d'autant que le vent se lève.

Rapide appel VHF à la météo, et on est parti. Une fois dégagée des côtes de l'île des Pétrels, le clapot clapote pas mal, la barge est balayée par des embruns pas très marin d'eau douce… encore mois rats de base…forcément on est à 20 cm de l'eau.

Quelqu'un - qui peut être dyslexique droite-gauche mais surtout pas babord-tribord - se met en proue, dans l'axe de la barge pour guider le bosco dans les contournements des glaçons… "Jean-Mich, un poil à tribord, tabulaire droit devant"… "Merci Jean-Mich' la route est claire"… tout ça sur la fréquence 26 en espérant ne pas se planter car tout le monde se partage la même fréquence. Tout ça avec des embruns aussi haut que moi ! (ha oui, le clown à l'avant qui faisait la nav', c'était moi). Mon dieu qu'elle est salée l'eau ici !

Arrivé à Cap Prud'homme, le déchargement va un peu plus vite… toujours placé sous le signe du tire-pousse-lève qui marche. Même les manchots sont habitués et continuent de se baigner tandis que les Challengers déjà ici tirent leur nouveau copain.

Retour aux Lions… mer agitée… barge à 50 cm de l'eau… deuxième chargement… deuxième voyage plus calme… même manip' de navigation - les glaçons ont été arrachés par les catabatiques -, deuxième déchargement… dernier voyage vers Pétrels au son d'un live de Soldat Louis… "Du rhum des femmes et de la mer non de dieu"… ça ne s'invente pas… arrivée aux Lions… traversée vers Pétrels… passerelles sans fin vers le séjour… dîner sur les rotules… dodo.

Pendant ce temps, l'exposition White Museum Antarctic a connu un superbe succès. Des petits mots doux sur le livre d'or "Un peu de poésie dans un environnement de glace et d'acier"… "DDU capitale culturelle de l'Antarctique"… "Merci, à refaire"… On dirait une opportunité de projet…

Bilan de la journée : 5 heures de manip, 3 heures de mer, penser à dire à mon commandant à l'EMM que je n'aurai pas volé mes galons de LV pour le tableau d'avancement de 2011, je suis une designer heureuse.