dimanche 13 février 2011

Derniers instants au bord du monde


Ce matin, réveil en forme de gueule de bois. L'Astrolabe à quai, les cages-palettes chargées. Dernières manip' avant l'appareillage prévu pour 14h.

Sacs colisés, affaires rangées, lits défaits à tout jamais, avant le dernier déjeuner partagé sur base.

Comment ne pas penser à la cène ?

Les campagnards de R3 errent sur base à la recherche des derniers souvenirs à emporter dans leur mémoire, comme cette queue de tempête qui nous envoie de gros flocons et fait taire les manchots.

Les bâtiments oranges. Le ciel gris pâle, les bergs bleus, les manchots juvéniles coiffés à l'iroquoise et les skuas qui surveillent.

Moment de contemplation assise au pied de la statut de Jules Dumont d'Urville.

Sourire ému devant celle de PEV, aussi.

"Il ne faut jamais oublier Victor quand on parle de la Terre Adélie".

Ne jamais oublier. Rien.

Comment revenir ici ?

Quelle incantation à formuler aux pieds de Jules ?

Quel pacte conclure devant le regard sévère de Victor ?

Dans quelle fontaine jeter un caillou chipé sur le nid de manchot déserté ?

Quel ex-voto fabriquer ?

Quel sort ? A quel marin ? A quel capitaine ?

Il me semble que je clos ici ce blog de Terre Adélie.

Ce tout petit bout de terre française sur le grand continent blanc où mon émotion de l'heure est à la hauteur de l'expérience qu'il m'aura été donné de vivre.

Maintenant, il faut quitter les 66°S du cercle polaire antarctique, franchir les 60°, affronter les 50°.

La semaine qui vient à bord de l'Astrolabe sera un sas.

Une lente remontée vers la civilisation, ses us et coutumes, ses puissances et ses mesquineries.

Puis…

Hobart.

L'avion.

Sydney.

L'avion.

Hong-Kong.

L'avion.

Orly.


Jules, Victor… je vous porterai longtemps dans le plus beau coin de ma mémoire.