vendredi 28 janvier 2011

Concordia le lendemain


Malgré la grasse-mat' en perspective, réveil, encore à 6h DDU, soit 4h locale. Je n'ai jamais aussi peu dormi sur une période aussi longue. La présence permanente du soleil semble tant en être la cause que ce qui me fait malgré tout tenir. Ce matin, j'ai froid pour la première fois, certainement parce que c'est une journée « off ». Pas de travaux sur le raid, juste une seconde visite de la base prévue, notamment avec le bâtiment « calme » que je n'ai pas fait hier.

Passé la magie de la découverte, je me dis que ce bâtiment est des plus déprimants. Les 16 chambres – doubles l'été mais simples l'hiver – s'enfilent dans une coursive circulaire couleur vert hôpital. Certes, à l'intérieur, elles sont plutôt fonctionnelles : toutes disposent d'une fenêtre plus haute que large, avec des lits superposés escamotables et de nombreux rangements (armoires, tiroirs, étagères…). Je retrouve Richard, l'astro niçois qui me montre l'étage des laboratoires. Là, on est tout à fait dans une ambiance de bureaux. Sans aucun charme, mais fonctionnel.

A l'heure du thé, je me bats en vain avec une machine pour avoir de l'eau chaude. Je capitule en m'allongeant sur le canapé du salon. Je feuillette une impression de la version PDF du Monde d'il y a deux jours. Tout me paraît inintéressant et je me rends compte que j'ai surtout du mal à fixer mon attention sur le texte. Je vois les lignes danser, sans parvenir vraiment à saisir une phrase, comme si je regardais un texte en langue étrangère… je m'endors.

Nathalie me réveille pour le déjeuner. Il y a déjà beaucoup de monde dans la salle. J'avale – encore – des pâtes, mais commence à m'inquiéter de ce frissonnement permanent malgré mes trois couches de vêtements, même à l'intérieur. Je suis quitte pour une « consultation » avec Philippe, le bib du raid, qui me donne deux Diantalvic. Il y a eu des EvaSan pour cause de pneumopathies, une épidémie de gastro est arrivée avec le dernier avion… il ne s'agirait pas de flancher avant le raid retour. Hors de question.

Patrice, Nathalie et moi partons faire un tour au « sarcophage ». C'est un container enterré sous des mètres de neige où, pendant les hivers – et avant la construction de la station –, le matériel informatique était entreposé pour ne pas être exposé à moins de -35°, grâce à un savant mélange d'eau et d'antigel stocké dans des cuves. Sauf que le lieu ne servant plus, c'est du -55° qui nous attend. Sans ressentir le froid, les cils et sourcils se couvrent malgré tout de givre. Le lieu est magique. Il faut d'abord rentrer dans un long tunnel couvert de cristaux de glace du sol au plafond, avant d'arriver devant une porte capitonnée tant de polystyrène expansé que de neige. Patrice évoque "La Nuit des Temps"…

Les archéologues futurs trouveront-ils nos installations ?… En ressortant, la lumière du jour nous saisit et les -30° nous réchauffent ! Quel voyage.

Soudain, un gros bourdonnement : un Bassler arrive. Le Bassler tant attendu par des campagnards naufragés de R2 pour cause de mauvais temps. On se précipite pour regarder l'attraction, mais aussi donner un coup de main au déchargement, une autre occasion de faire connaissance avec le personnel de la base qu'on ne croise pas si souvent. Les chaînes de manip' s'organisent, comme toutes les autres. un avion à décharger, deux destinations finales : Concordia ou Mario Zuccheli, la base italienne de la côte. On trouve vraiment de tout dans ces déchargements, des vivres, du matériel scientifique, des effets personnels, ou du matériel logistique. Tout ça réchauffe les -30° de l'air sous un ciel invariablement bleu.